La Réunion
Voyage en terre ceinte (par l'océan)
de Saint Patique aux Saints Prévus
sur les traces de Saint André, Saint Philippe, Saint Pierre, Saint Gilles et Saint Paul
du 19 août au 02 septembre 2022
Vendredi 19 août 2022
Départ de Nice pour Paris et Saint Denis de la Réunion, sur Air France.
Problèmes au départ de Nice, au niveau de l'embarquement. Voir commentaires.
Vol de 01h30 pour Paris sur un Air Bus A 320, escale de 02h00, puis vol long courrier de 10h30 environ, sur un Boeing 777.
Samedi 20 août 2022 Saint Denis - Hell Bourg
Arrivée à Saint Denis vers 10h00 dans un aéroport qui s'appelait Gillot pour devenir Roland Garros !
Prise en charge de la voiture louée chez Hertz. Ça ne se passe pas comme prévu. Voir les commentaires.
Suite à cela nous découvrons un autre problème lié à nos téléphones. Nous ne pouvons plus appeler ni recevoir d'appels, ni nous servir d'applications de base comme le GPS ! Voir les commentaires.
Ces contre-temps nous ont "bouffé" plus de la moitié de la journée, passant à la trappe des visites prévues comme celle de la sucrerie de Bois Rouge et la Vanilleraie du Grand Hazier.
Nous avons juste eu le temps de voir la cascade Niagara, à l'ombre, avant de rejoindre Hell Bourg et le cirque de Salazie par une jolie petite route. Un filet d'eau qui semble tomber du ciel éclabousse la voiture, c'est le Pisse en l'air.
Malgré l'heure tardive, nous apprécions ce qui fait le charme de la Réunion : la lumière et les couleurs.
Nous saluons le voile de la mariée et ses dentelles des cascades qui s'élancent du haut des falaises. Il y en a tant ! Mais d'où vient cette eau ?
Hébergement Relai des Cîmes, 67 rue du Général de Gaulle à Hell Bourg (02 62 47 81 58).
Dimanche 21 août 2022 Hell Bourg
Quel bonheur quand on ouvre les yeux, les rideaux, la porte : la lumière. Lorsqu'il fait beau, même lorsque le ciel est partiellement couvert, les couleurs sont éclatantes. Les différents verts de la végétation, le bleu du ciel, les couleurs des tit kaz créoles, ça rend heureux. Difficile de se lever de mauvaise humeur.
Petit déjeuner copieux à base de produits frais: jus de fruits et salade de fruits frais, café, thé, chocolat, oeuf, pain frais, viennoiseries, confitures maison, yaourt maison, oeufs, fromages peï.
Nous contactons Aventuriers de l'Est (06 93 32 48 30) pour nous inscrire à la visite des cases créoles de 10 heures du matin.
Il est passionné et passionnant. Il commence par décrire les caractéristiques des cases créoles: style neo-classique, symétrie de la structure, varangue, attique, lambris, bardeaux, losanges "protecteurs", lambrequins, guetalis, et autres signes de richesse, avec à chaque fois des explications sur le pourquoi et le comment, assortis d'anecdotes.
Nous sommes ses seuls clients ce matin et avons tout le temps de l'écouter conter l'histoire de la Réunion, qui aurait commencé avec 2 Français et 10 Malgaches. On survole l'histoire des esclaves et des "gros blancs", qui seront à l'origine de la ruine et de la fuite des "petits blancs" des hauts (yabs), et des nègres marrons, esclaves en fuite.
Selon Michel, on ne peut pas parler de colonie au départ, dans la mesure où il n'y avait pas de population autochtone. Par contre la gestion de l'île s'est faite sur le mode colonial.
C'est cent fois mieux que les livres, parce qu'à travers ses mots et sa façon de dire, tout cela devient vivant. Nous lui coupons la parole sans arrêt pour poser des questions.
Jean Paul (Manoro), l'homme à tout faire qui prépare les lieux, semble ravi de nous rencontrer et de faire un brin de causette. Sa vie en métropole, son retour à la Réunion, ses différents emplois, sa retraite et ses activités, sa passion pour la tradition, sa connaissance des plantes, son regret de ne pas trouver de jeunes qui veulent travailler avec lui. C'est impressionnant de voir le plaisir que prennent les gens à partager, sans exhibitionisme.
Nous reprenons le fil, Hell Bourg, ses thermes et son aristocratie, cette élite qui dominait le monde, son hôpital militaire, sa chute, sa renaissance grâce à la famille Folio (Raphaël), aujourd'hui grâce au Dr Robert Fonlupt et son association pour la conservation et la restauration des cases créoles.
Une visite qui devait durer deux heures en a duré trois. Nous avons manqué quelques cases et la fameuse statue Âme de la France, sublime créature que Carlo Sarrabezolles n'a heureusement pas affublée d'une poitrine volumineuse. Elle se dresse à moitié nue devant la mairie, plus sensuelle que Brigitte Bardot ou Laetitia Casta. Elle fit scandale à l'époque et avait déjà été déboulonnée. La cancel culture et sa censure n'ont rien inventé !!!
Déjeuner au Ti Koin Kreol : la musique du Ti Chouchou était trop forte, le Gouléo sentait trop l'huile de friture. Le porche et le jardin du Ti Koin Kréol étaient accueillants. Nous prenons un gratin de chouchou (on raffole) et une salade créole. C'est bon et gouteux.
Edwige la patronne nous rejoint pour un brin de causette. Elle veut nous faire gouter gracieusement un des plats favoris qu'elle a préparé : une fricassée de patate chouchou. Un régal. Généralement elle le sert avec du poulet effiloché.
Dans le chouchou, tout se mange : les tubercules (patates), les feuilles (bredes), le légume chouchou (chayote).
Edwige nous raconte sa traversée du désert pendant le Covid, et sa difficulté aujourd'hui à recruter du personnel. Il semblerait que les gens n'ont plus envie de travailler.
Nous découvrons à Hell Bourg et ce sera le cas partout dans l'ile que les Ti restaurants locaux ont deux tarifs: plats consommés sur place et plats à emporter. Un gratin de chouchou sur place 12 euros , en barquette 6 euros, un cari de poulet 14 euros sur place, en barquette 7 euros. Bon a savoir lorsqu'on a un budget serré.
Michel, Edwige, François : un plaisir de rencontrer trois belles personnes.
Nous enchainons sur le musée Morange. Le musée des instruments de musique, à l'image des musées contemporains : des vitrines. C'est pédagogique, on peut y entendre, grâce à un audio guide, de nombreux instruments, de nombreux sons, de nombreuses mélodies populaires représentant la Chine, l'Inde, le Japon, l'Afrique, le Maghreb, Madagascar. Manquent les Amériques, du sud et du nord, les Caraïbes, l'Europe, un tas de pays dont la musique mérite d'être connue comme le Vietnam, l'Indonésie. Le système audio guide est intéressant et frustrant à la fois : il permet de se faire une idée, mais c'est froid. C'est un musée.
A Hell Bourg, nous découvrons un phénomène que nous retrouverons dans tous les villages et quartiers Réunionnais: des groupes hommes, debout dans la rue une bouteille à la main, devant une épicerie : les chauffe-galets. Pourquoi ? il n'y a pas de bistrots ? Il y a aussi beaucoup de "clochards"!
Dîner au Relai des Cîmes : 2 soupes de légumes maison, un régal, un boudin créole, un poulet au lait de coco et son rougail succulent.
Lundi 22 août 2022 Hell Bourg - Saint Philippe
Il y a tellement de choses à voir sur cette route.
Nous voulions voir la vanilleraie Roulof de Saint André. Lors de nos échanges pour "réserver une visite", Matthieu Vayerata explique que les visites consistent à voir des plants de vanille accrochés à des piquets, à écouter des explications sur la façon dont la vanille est cultivée et traitée par la famille avant un passage par la boutique. Comme c'est la saison de la récolte nous espérions voir le traitement de la vanille : comment transforme-t-on des gousses vertes sans odeur en gousses noires très odorantes ? Réponse par mail, "cela se fait le week-end à la maison, en dehors des visites". Exit la plantation Roulof.
Nous jetons notre dévolu sur Pro-Vanille à Bra Panon: de jeunes guides, débitent des explications comme des magnétophones, entrainant les visiteurs vers des pieds de vanille d'origine diverses accrochées à des piquets, pour démonstration.
Devant un poster à l'extérieur on nous parle rapidement de la méthode de fécondation de cette orchidée, mise au point par l'esclave Edmond Albius. Une fois la fleur fécondée la gestation d'une gousse de vanille est étrangement de 9 mois, il faudra environ deux ans pour aboutir au produit fini, ce qui justifierait son prix.
Dans une salle appelée atelier on nous explique grâce à des photos affichées sur les murs que l'on trempe les gousses dans de l'eau bouillante quelques minutes, puis on les laisse sécher tantôt au soleil, tantôt à l'intérieur dans un hangar, ce qui leur donne cette teinte foncée, seul moment où on aperçoit de la vanille.
Après avoir été calibrées elles sont déposées dans des caisses recouvertes de papier sulfurisé pendant de nombreux mois au cours desquels elles développeront leur arôme. Une employée vient les retourner régulièrement pour éviter qu'elles moisissent. La salle est entourée d'une cage métallique anti-effraction. Le vol de vanille est un sport départemental !
La visite se termine par un passage à la boutique, où l'on trouve aussi bien de la vanille que de la confiture, du café, du rhum, du savon, des produits cosmétiques, des portes clefs. C'est de la bonne grosse visite pour touristes, impersonnelle et froide.
Michel Balvay nous avait conseillé de visiter une petite productrice passionnée qu'il connait et qui permet d'assister à tout le processus. Sa vanille pousse sur des troncs d'arbres : Maryse Mounier à Sainte Rose 06 92 15 76 37. Je l'ai contactée, malheureusement elle ne fait des visites que le mercredi et le vendredi à 13H sur rendez-vous. Ce n'est pas évident de programmer un circuit et des étapes pour les faire coïncider avec toutes les visites que l'on souhaite faire.
Nous découvrons l'église de Sainte Anne. C'est la première fois que nous voyons un édifice de ce style. Une église catholique, avec des moulages dignes d'un temple Hindou, une architecture qui fait penser à Antonio Gaudi (Sagrada Familia de Barcelone). La nef est sobre et épurée. La chapelle sur la gauche est par contre très décorée. C'est là qu'a été tourné le mariage de JP Belmondo et C Deneuve dans le film la sirène du Mississipi. Cette église est à voir pour son originalité.
Déjeuner créole: une barquette de sauté de poulet avec riz et grains dans une baraque de bord de route devant l'église. C'est copieux, bon marché et c'est bon.
Nous prenons la route du Grand Brûlé, immenses coulées de lave refroidie qui descendent vers la mer, la dernière datant de 2007.
Le pont suspendu de la rivière de l'Est à Sainte Rose est actuellement, et pour un bout de temps, sans intérêt : en pleine restauration, il est recouvert d'échafaudages et de bâches en plastic. Non seulement on ne le traverse plus, mais on ne le voit plus.
L'église notre Dame des laves à Piton Saintes Rose entretient son mystère au milieu d'un champ de blocs de lave, bien que l'élargissement de la route la prive un peu d'authenticité.
Il y a 30 ans on pouvait se faire une idée de ce qui avait dû se passer en 1977, tant cette coulée avait l'air naturel. Aujourd'hui avec l'aménagement de la route et du site, on a l'impression que des blocs de lave ont été ajoutés pour accentuer l'effet. Nouveauté, la statue de la vierge au parapluie (repeinte en bleu) qui trônait sur le bord de la route au Grand Brulé s'est réfugiée dans l'église, suite à des dégradations.
Nous tentons de faire la rivière Langevin jusqu'à la cascade de Grand Galet, sachant que la lumière de fin de journée peut gâcher cette découverte. La cascade est très encaissée et donc à l'ombre depuis le milieu de l'après-midi.
La température de couleurs est bleutée, ce qui rend les photos assez décevantes, à moins de faire une correction à postériori. Les afficionados du portable le font directement sur leurs mobiles.
La route qui longe la rivière dans une végétation luxuriante est agréable. De nombreuses ères de pique-nique laissent supposer que le week-end, ce doit être noir de monde.
La conduite sur cette route sinueuse demande une certaine concentration à cause de l'incivilité de nombreux automobilistes
La cascade de Grand Galet est majestueuse. A notre avis une des plus belles cascades de la Réunion. Question : d'où vient toute cette eau ? Il n'a pas plu ces derniers jours, il n'y a pas de fonte des neiges. Nous imaginons ce que cela doit être en période de fortes pluies...
Nous descendons vers Saint Philippe, en profitant de la vue sur le Cap Méchant. L'océan y est impressionnant. Des rouleaux d'un vert jade ourlés d'écume blanche viennent se fracasser sur les falaises de lave noire. C'est très photogénique.
Hébergement au Gîte le Puits de Français, 31 rue de la Bourdonnais-Basse Vallée- Saint Philippe. 06 92 36 26 16 / 02 62 28 57 50. Jacky et Valérie Huet tiennent ce gite exceptionnel.
Jacky nous accueille avec un jus de fruit de bienvenue (le seul hébergement à le faire). Une fois installés, il nous initie à son jardin et à ses pieds de palmistes, de vacoas etc... La vanille court le long des troncs. Des gousses sèchent sur des claies dans la véranda. Il a d'autres vergers, d'autres pieds de différentes variétés et d'autres plants de vanille qu'il surveille de près afin de ne pas rater le moment où la fleur est prête à être fécondée, car après la tit' fleur se fâne.
Il a aussi un terrain où l'on a découvert une source d'eau minérale, c'est à cet endroit qu'est captée l'eau Australine. Sans aucune compensation, il n'a plus le droit de planter et de faire ce qu'il veut sur ce terrain, au nom de l'intérêt public ! L'état prédateur !
A quelques pas du gite il y a trois restaurants en front de mer: le Cap Méchant, le Pin Pin, l'Etoile de mer qui n'ouvrent que le midi. Pour se restaurer le soir, il faut sortir de Saint Philippe - Basse Vallée.
Dîner au Warren Hastings 109, 97 Route Nationale 2 Baril, Saint-Philippe 02 62 97 22 65. Jacky avait eu la délicatesse de réserver. Cuisine créole fraiche, savoureuse, à prix attractifs. C'est la meilleure salade de palmiste que nous ayons mangé à la Réunion. Rien à voir avec les coeurs de palmiers que l'on vend en boite en métropole. Nous avons gouté des achards de légumes en entrée (légumes variés blanchis et assaisonnés), un rougail saucisse et un plat que nous ne connaissions pas : le chou vacoa boucané. C'est le coeur d'un jeune palmier vacoa cuisiné en cari avec de la viande de porc fumée, le tout accompagné de riz et de lentilles. Un régal. Jerôme, le propriétaire, sa femme Jennifer, sa fille Sheryl sont des personnes accueillantes et chaleureuses.
On mange bien, on se sent bien, c'est une bonne adresse à Saint Philippe.
Le lendemain nous avions prévu de visiter le Jardin des parfums et des épices et le tunnel de lave.
Les réservations pour le tunnel de lave devant se faire avant notre départ pour la Réunion, nous avions pu obtenir un créneau l'après-midi, initialement prévu le mardi 23 août matin. Cela a prêté à confusion. En regardant le bon de réservation je découvre que c'est lundi après-midi (la veille) que la visite a été programmée. Focalisés sur tout ce qu'il y a à voir entre Hell Bourg et Saint Philippe, nous n'aurions pas pu y être pour 14h. Ce n'est pas grave....
Mardi 23 août 2022 Saint Philippe et environs
Nous restons dans l'ambiance botanique en visitant le Jardin des Parfums et des épices.
Contrairement à beaucoup d'autres sites botaniques, celui-ci est une forêt naturelle. Une forêt, avec de nombreuses plantes endémiques. Michel, comme tous les guides que nous avons eu jusque maintenant, est passionné et passionnant. De l'endormi qui traverse le chemin à la plus élevée des lianes, il nous fait découvrir une des richesses essentielles de l'île : sa faune et sa flore.
Un pied de mangue centenaire, un pied de litchi encore plus âgé, un pied de giroflier, un pied de cannelle, des pieds endémiques, des pieds rapportés/ajoutés, des pieds de cannelle, plein d'autres pieds et des plantes médicinales comme le galabert etc... Comme les autres guides, il a de l'humour, des anecdotes, il rend la visite vivante.
Un touriste créole ramasse des noix de muscade pour les mettre dans sa poche. Un autre visiteur lui rappelle "qu'ici on ne vole pas" !
Michel nous livre son secret de longévité : tous les jours une cuiller à café de miel mélangée à une cuillerée d'un mélange 951 : composé de 9 doses de curcuma en poudre, 5 doses de gingembre en poudre, 1 dose de poivre en poudre.
Déjeuner à la Mer Cassée. 99-105 Route Nationale 2 Mare Longue, Saint-Philippe- 02 62 46 56 18 - Petit restaurant créole en bord de route. Des tables en bois, des chaises en plastique, des nappes colorées, sur un gazon "pique fesses", une véritable moquette, surplombant la mer. Rien que pour le cadre cela en vaut la peine. La cuisine et le comptoir se trouvent de l'autre côté de la route. La serveuse traverse cette route très fréquentée, parfois en courant, pour apporter les plats. Nous testons la saucisse fumée au chou de vacoa, et le cari de pommes de terre au poulet fumé. Le tout accompagné de riz, de grains et de rougail.
C'est simplement bon et on ne se ruine pas. Quand on a de la chance, on peut apercevoir des baleines en déjeunant ! J'ai précisé quand on a de la chance...
L'après-midi, à la place du tunnel de lave, Jacky nous suggère des visites :
- les vanilleraies de la famille Leichnig (toute la famille est dans la vanille ou la cardamome), certains connus au niveau international : Louis à Saint Philippe, spécialisé dans la vanille givrée, Aimé au Tremblet spécialisé dans la vanille bleue.
Sa maison s'appelle l'Escale bleue. Comme tout artisan producteur il est passionné par ce qu'il fait. On est loin des perroquets de Pro Vanille.
Sa particularité tient au fait qu'il n'ébouillante pas sa vanille au départ afin de conserver les molécules intactes. Son secret est dans le séchage, cela se sent et se voit. Les gousses de vanille bleue sont beaucoup plus charnues que celles que l'on trouve ailleurs. Il en faut peu pour parfumer un met.
Entrer dans son atelier, où des gousses murissent sur des tables à l'abri de la lumière, fait toute la différence. Cela embaume. On se prend de la vanille plein les narines...pas étonnant qu'il ne faille qu'un centimètre de gousse pour parfumer un litre de crème. Une gousse faisant 18 cm, cela peut en faire des crèmes.
Bon à savoir : 20 gr de vanille bleue de qualité (5 gousses) coute 25 euros en étui souple ou 28 euros en tube de verre, alors qu'un étui de vanille ordinaire dite "extra" (20 gr - 5 gousses) chez Pro Vanille coute aussi 25 euros. Nous savons maintenant où nous arrêter. Les grands cuisiniers ne se sont pas trompés.
Dans sa boutique on ne trouve que des produits à base de vanille. Il n'y a pas de gadgets pour touristes.
Sur la route du retour, nous visitons le souffleur d'Arbonne, beaucoup moins impressionnant que celui de Saint Leu, le puits Arabe avec sa palmeraie de vacoas aux racines si particulières, dont les fruits éclatent en libérant des graines cubiques et colorées un peu partout. On marche sur une coulée de lave pahoehoe (terme hawaïen désignant des laves lisses, fluides, chaudes - 1100/1200°-) qui descend dans la mer. Plissée comme une vieille couverture, cette coulée donne une idée de la rencontre entre le feu et l'eau qui eut lieu dans les années 1776...
Nous terminons l'après-midi au Cap Méchant, subjugués par la puissance de l'océan. Des vagues de plus en plus hautes et violentes s'écrasent en gerbes de 10 à 15 mètres de haut sur le basalte. Un vent impressionnant se lève, nous obligeant à battre en retraite. Il commence à pleuvoir.
Des gens ont dessiné un mandala sur le sol avec des graines de vacoas.
Mercredi 24 août 2022 Saint Philippe - Grande Anse - Petite Île
Après un petit déjeuner succulent, en compagnie de Valérie (c'est le seul gîte où les propriétaires accompagnent le petit déjeuner, histoire de causer un peu) nous quittons Valérie et Jacky, après leur avoir acheté un petit fagot de vanille artisanale qui n'a rien à envier à celle de Pro Vanille.
Nous voulions visiter la Maison de la Tresse et du Terroir 8 route Nationale 2 le Baril (02 62 73 45 19). Il faut appeler pour savoir si les dames y sont. On y organise une initiation au tressage de la paille de vacoa. Selon Jacky, elles ne sont pas souvent là et ne sont pas très avenantes avec les visiteurs. Il nous conseille d'aller plutôt à la Maison de la Ruralité à Langevin où des femmes tressent dans un atelier attenant à un petit espace de vente.
Nous nous rendons à la Maison de la Ruralité à Langevin- 8 rue de la Passerelle - 02 62 31 18 46 / 06 92 03 18 56. lesfleurettes97480@gmail.com .
En quittant la grande route qui traverse la ville, c'est dans un virage face à la balance pour cannes à sucre.
Nous sommes accueillis par Marie-Ange, Rosane, Monique, étonnées que des zoreilles s'arrêtent pour parler avec elles. Trois dames respectables de l'association Les Fleurettes. Elles sont en train de réaliser des paniers et des tapis en paille de vacoa, avec une dextérité impressionnante.
Elles sont là du lundi au vendredi pratiquement toute la journée. Ces ateliers artisanaux, en voie de disparition, sont des lieux où on perpétue des métiers lontan, avec des savoir faire particuliers. Mais ce sont aussi des lieux de rencontres et de paroles, qui permettent de lutter contre l'isolement des ainées, et quand les ventes sont bonnes, d'apporter un petit complément de revenu à des personnes qui n'en ont déjà pas beaucoup.
Nous passons une bonne heure à échanger. Au départ l'association les Fleurettes était une école de danses traditionnelles pour les jeunes filles du village. Elles y apprenait maloya et donnaient des petits spectacles lors de festivités.
Les jeunes ne s'intéressant plus aux traditions, ce sont les ainées qui ont pris la relève, non pas en dansant, mais en tressant comme elles l'avaient appris de leurs mères. Leurs réalisations sont exposées dans une salle à l'entrée. Ce sont de beaux objets pratiques: paniers, corbeilles, plateaux, sets de table, chapeaux, de différentes tailles et de différentes formes, dont les couleurs varient en fonction de la couleur des pailles. Pas toujours évident à caser dans les valises.
L'argent récolté va à l'association qui l'utilise pour son fonctionnement, notamment pour payer une redevance à l'ONF (Office National des Forêts) pour avoir le droit de cueillir des feuilles de vacoa qu'elles font sécher avant de les travailler. L'état prédateur ! Quand il y a un petit bénéfice, il est partagé.
Marie-Ange, Rosane, Monique déplorent le désintérêt des nouvelles générations pour ces métiers lontan. Aucun(e) jeune des environs ne s'intéresse au tressage, même dans leurs propres familles. Cela veut dire qu'après elles ce sera fini. Il n'y aura plus que des paniers ou des sets de table en plastique made in China !
Nous les quittons, heureux et tristes d'avoir rencontré des témoins d'une époque qui s'éteint.
Ayant vu un reportage à la télévision sur des producteurs de thé Français, nous souhaitions découvrir ces plantations dont on ne parle pas en comparaison avec les autres thés du monde (Chine, Inde, Sri Lanka, Kenya).
En route pour Grand Coude, par une voie étroite qui serpente au milieu des champs de cannes.
Il faut environ 35 mn au départ de Langevin pour parcourir les 20 km qui nous séparent du Labyrinthe en champ Thé, tenu par Johny et Emmanuelle Guichard.(06 92 60 18 88)
Ici encore les visites se font sur rendez-vous à 10h, 11h, 14h, 15h. Elle dure environ 01h00.
La guide est une jeune femme sympathique mais la visite est très superficielle. La guide débite un propos formaté qu'elle a dû roder avec le temps, avec des traits d'humour qu'elle ressert à chaque visite, attendant la réaction du public. Impression d'assister à un show au milieu d'une petite forêt de pieds de thé qui n'ont jamais été taillés, d'une hauteur de 5 à 8 mètres, complètement inutilisables en temps que théiers. L'essentiel de la visite tourne autour de la relation des pieds entre eux: solidarité végétale.
Finalement ce n'est qu'à la sortie de cette forêt que l'on aperçoit quelques pieds de thé exploitables et que l'on apprend qu'en fonction des bougeons cueillis on obtient un thé blanc ou un thé vert. Apparemment la véritable plantation de thé n'est pas ici.
Il n'y a pas de visite "d'usine", avec le roulage, le séchage et tout le processus de fabrication du thé comme on peut en faire en Inde ou au Sri Lanka.
La visite se termine par une dégustation : thé blanc insipide, thé vert très moyen. Rien à voir avec les thés verts Indiens et Sri Lankais.
C'est une "accroche" pour attirer les gens dans une boutique dans les tarifs sont prohibitifs.
Un sachet de 100 gr de thé vert "bio" made in Réunion 25 euros, alors qu'un thé vert "bio" de qualité (voire Demeter) du Sri Lanka ou d'Inde coûte 6 à 9 euros les 100 gr, dans les magasins en métropole.
On dira que les salaires ne sont pas les mêmes ! C'est vrai, mais pour l'Inde , le Sri Lanka et la Chine, il y a un tas d'intermédiaires opportunistes : grossistes, exportateurs, traders, distributeurs qui prennent de belles marges. Ici c'est 25 euros du producteur au consommateur, pour un thé qui n'a rien de plus qu'un thé vert ordinaire d'Asie, en dehors du fait qu'il est Français.
La seule chose que nous avons retenu est qu'un gouverneur, un état, décide un jour qu'il faut cultiver du géranium, puis un autre jour il faut privilégier le café, une autre fois le thé, puis la canne à sucre, puis à nouveau le géranium, en fonction des cours du marché et de leurs intérêts, imposant aux paysans d'abandonner et de recommencer, avec des revers de fortune que l'élite n'assume pas. Cette visite nous a confrontés à ce que peut être la liber-thé. L'état prédateur !
Lors de notre descente vers la côte, nous sommes bloqués sur l'unique petite route, par un camion qui vidange la fosse sceptique d'une habitation de luxe. Pour ne pas abimer la pelouse, le camion-citerne s'est planté au milieu de la route. 45 minutes d'attente qu'ils finissent leur curetage !
Arrivée en début d'après-midi à Grande Anse que nous souhaitions voir pour sa plage et sa piscine naturelle. Nous sommes repartis en courant ! C'est noir de monde et c'est bruyant, on n'entend plus les vagues ! Il n'y a plus de place sur le parking, au point que les gens se garent partout, n'importe où. Nous venions pour un bain de mer, pas un bain de foule.
Notre hébergement ayant demandé que nous n'arrivions pas trop tôt, nous nous posons sur le parking d'une zone résidentielle calme, et attendons que cela se passe.
A l'heure convenue, nous rejoignons l'hébergement.
Villa des Mascareignes, 26 rue du Panorama Petite Île 02 62 47 19 56 tenu par Olivier et Audrey. https://www.villadesmascareignes.com/
Caroline avait prévu la demi-pension avec un plateau peï le premier soir et table d'hôte le second soir. Cela nous a évité de faire des kilomètres pour trouver un restaurant.
Le Plateau peï : des bonbons piments, des bouchons, des samosas, des feuilletés aux bredes, une terrine d'aubergine, du fromage peï, de l'ananas, du rhum arrangé.
La table d'hôte : un velouté de potiron, un rougail de camarons, avec riz et grains, des bananes au four avec une boule de glace.
Jeudi 25 août 2022 Petite Île - Piton de la Fournaise - Petite Île
Nous devons partir à 06h00 du matin pour visiter le Piton de la Fournaise pour deux raisons : les embouteillages et la météo. La villa nous a préparé une glacière avec nos petits déjeuners, un termos de café et un termos d'eau chaude pour le thé.
Les embouteillages sont une particularité de l'île qui nécessite de prévoir les déplacements en fonction, si l'on veut arriver à temps.
Quant à la météo, c'est une autre particularité de l'île au 200 micro-climats. Le temps change en permanence, pratiquement de façon imprévisible, ce qui peut rendre les projets de visites complètement aléatoires.
On conseille généralement d'arriver tôt au Piton de la Fournaise pour avoir une vue dégagée. Il se couvre généralement dans la matinée. Ce fut le contraire !
Pour éviter la route "ordinaire" Saint Pierre, le Tampon, plaine de Cafres nous prenons une jolie petite route de campagne qui passe par Berive, Notre Dame de la Paix, pour atteindre la plaine des sables et le pas de Belcombe le parking du volcan.
Sous un ciel clair, nous traversons des champs de cannes, puis des champs d'ananas. Ces fameux ananas victoria si parfumés. Au fur et à mesure que nous montons, le ciel se couvre. Le belvédère du Nez de Boeuf baigne dans la brume.
La forêt de Bois de Couleur de Notre Dame de la Paix est dans la grisaille. Impression d'être dans les Vosges. Avant et après la forêt, des pâturages, des vaches, des fermes, des coopératives laitières.
02h30 de route pour arriver à la plaine des sables que nous parcourons dans le brouillard, avec du crachin. Le parking de Belcombe est complet, bien qu'il pleuve. Tout le monde est en KWay.
On ne distingue pas le cratère du volcan.
Les toilettes publiques sont fermées. Restent les toilettes du "Relai touristique du Pas de Belcombe" fastfood pitoyable qui siège là-haut. Une horreur ! Une puanteur ! Mais que fait l'ONF ? Nous n'avons jamais rencontré d'endroit aussi nauséabond dans tous nos voyages, même en Inde.
Nous prenons le petit déjeuner préparé par la Villa dans la voiture et attendons.
Vers 11h00, le ciel se dégage partiellement avec quelques éclaircies pendant lesquelles le cratère du Piton de la Fournaise daigne faire une apparition, le Dolomieu se décoiffe.
Nous avions prévu de faire une petite randonnée sur les crêtes. A peine commencée, nous sommes surpris par un vent violent et glacial (-2 à -5 °en dessous de zéro) Comme disent les Réunionnais "ça pique". Polaires, doudoune, KWay nous réchauffent à peine. Le vent est tellement fort qu'il fait perdre l'équilibre. Certains randonneurs marchent à reculons. Nous rebroussons chemin vers le pas de Belcombe où il fait 20 °. Incroyable.
Nous reprenons la plaine des sables, cette fois sous le soleil. La piste est tellement défoncée que nous mettons 30 minutes pour parcourir 5 km.
Arrêt à Bourg Murat, le Palais du Fromage est fermé pour une semaine. Nous attendions ce moment pour déguster et acheter du fromage peï. Pas de chance !
Il y a quelques restaurants à Bourg Murat, mais les prix grimpent en même temps que l'altitude. Un plat créole qui coûte 14 euros en bas peut atteindre 20/25 euros ici. Le plus cher et le plus plus bruyant est le O'QG.
Nous optons pour le Ti Resto Lontan et sa cuisine traditionnelle au feu de bois. Moins chers que les autres, les plats sont corrects et bons. Tenu par Baptiste, sa mère Vivianne et son oncle Stéphane aux fourneaux, c'est chaleureux, calme, et d'un bon rapport qualité prix.
Nous récidivons avec un gratin de chouchou et une assiette végétarienne originale : elle est composée de riz Zembrocal (un riz cuit avec des petites pommes de terre, de l'oignon et du curcuma). Il y avait aussi du songe(taro), des cubes de chouchou, des bredes, des grains, de la papaye verte, de la salade.
Caroline proposait de passer par le Belvédère de Bois Court en redescendant vers la côte, pour sa vue impressionnante sur Grand Bassin. C'est vrai que sous le soleil, c'est un bel endroit.
C'est Eddy l'opérateur monte-charge qui se fait un plaisir de nous informer. Il travaille ici depuis des années, pour le département. Il a la responsabilité d'entretenir et de faire fonctionner le monte-charge qui approvisionne Grand Bassin. Le monte-charge fonctionne le mardi, mercredi, le vendredi et le samedi de 08h à 11h, le jeudi de 13h à 16h. Nous avons eu de la chance !
Il peut emmener des charges jusque 500 kg. Par contre pas d'humains ni d'animaux.
Les gens d'en bas vendent leur production aux gens d'en haut qui viennent récupérer les colis auprès d'Eddy et inversement les gens du bas récupèrent les colis venus d'en haut auprès de l'opérateur d'en bas. Lorsque les gens du bas ont des besoins particuliers ils téléphonent à la famille ou à des amis pour leur donner la liste de leurs besoins qui seront acheminés par le monte-charge.
Le recours au monte charge est gratuit, le monte charge est financé par la collectivité (les impôts).
A proximité du monte-charge se tient un marché forain hebdomadaire qui permet d'agrémenter les échanges.
Lorsque quelqu'un d'en bas est malade ou doit impérativement venir en haut pour un tas de raisons (mariage, funérailles etc...) un hélicoptère est appelé. Le coût du transport est de 30 à 50 euros par personne, selon le nombre de personnes, la différence est prise en charge par le département (les impôts). La plupart des jeunes montent et descendent par les sentiers ! 01h30 en descente, 02h30 en montée.
De retour à la Villa, j'essaye de contacter les tisaneurs que j'avais prévu de rencontrer dans les environs de Saint Pierre:
- Frantz Ledoyen, dit Kakouk, le plus sérieux des tisaneurs de la Réunion recommandé par Caroline. Je lui laisse des messages mais il ne me répond pas, jusqu'à ce que sa compagne m'appelle et nous fixe un rendez-vous.
- Raymond Lucas que j'ai découvert sur youtube. Il passe régulièrement à la télévision Réunionnaise dans l'émission Kosalafé, dans laquelle il donne de nombreux conseils de santé par les plantes. Lorsque je suis arrivé à le contacter, il dit être en réunion de travail et ne pas avoir le temps de parler. Agressivement il répond qu'il ne vend pas de tisane, qu'il ne consulte pas pour les tisanes, et ajoute "je ne travaille qu'avec la télévision et la presse". Cela a le mérite d'être clair.
Kakouk m'apprendra que c'est un ancien instituteur opportuniste qui joue au tisaneur à la télé sans en avoir la formation ni les connaissances qu'il "emprunte" aux vrais tisaneurs.
Vendredi 26 août 2022 Petite Île - Saint Pierre
Nous quittons notre villa de luxe pour rejoindre Terre Sainte "les bas" présentée comme quartier original avec ses ruelles et son ambiance paisible de village de pêcheur réhabilité.
Saint-Tropez en nettement moins bien. Des cases restaurées façon luxe, des boutiques branchées, et l'impossibilité de se garer quelque part. Le seul parking du coin est bondé.
Nous avons besoin de plus d'authenticité et gagnons Terre Sainte "les hauts" pour visiter le centre culturel Guan Di rue des Compagnies D'Orient. Il faut appeler le gardien pour fixer un rendez-vous pour une visite : Max Thia - 06 93 31 08 13. Nous l'appelons et il nous invite à venir aussitôt.
Max est un érudit dont la culture est impressionnante. Cela lui donne un recul et une sagesse que l'on rencontre rarement chez les humains aujourd'hui. Un étonnant gardien du temple athée. Il a un regard amusé sur les "bondieuseries", les rituels, les croyances.
Il commence par nous parler du jardin du temple, actuellement en friche, qu'il souhaiterait voir pris en charge par le département afin de l'aménager et l'entretenir en harmonie avec le temple. Il s'étonne de l'immensité du terrain par rapport aux besoins réels, il pense que l'on pourrait en faire quelque chose d'autre. Apparemment personne ne bouge !
Ce temple a été construit en 2017, à la demande de la communauté chinoise de l'île qui l'a entièrement financé. Il a coûté très cher. Tous les matériaux viennent de Chine. Ce sont des ouvriers chinois qui l'on entièrement construit avec des impératifs de temps parce qu'ils n'avaient que des visas touristiques.
Il est géré par une association chinoise. Il est peu utilisé et peu fréquenté si ce n'est pour des fêtes particulières comme l'anniversaire de sa création. Peu de gens viennent "prier", en dehors de rares cérémonies qui rassemblent plusieurs centaines de familles.
Il n'y a pas de bouddha, pas de bouddhisme. Le maître des lieux est le général Guan Di, mi-homme mi-légende qui aurait marqué son époque par sa bravoure, sa loyauté, sa fidélité. On retrouve ces généraux dans de nombreux temples d'influence chinoise au Vietnam. Nous n'avons jamais bien compris en quoi cela pouvait être apparenté à une "religion". On est loin d'une spiritualité.
Les prières et les offrandes visent à obtenir des avantages : un avancement de carrière, une réussite en affaire ou en mariage, une amélioration de la santé, des biens matériels ou de la fortune, une maison, une voiture etc...
Nous avons trouvé intéressant de faire cette visite avec Max, parce qu'il n'a pas cherché à faire de prosélytisme, à nous faite gober des légendes à dormir debout, à vendre des bâtons d'encens.
Il partage sa vision du monde assez réaliste, un peu désabusée, surtout pacifiée. Il vit au temple où il est devenu l'ami des oiseaux qui l'entourent et le suivent. Il leur a même donné des noms.
N'ayant pas l'habitude de manger de la viande tout le temps et encore moins de viandes grasses nous lui demandons où nous pourrions manger autre chose que de la cuisine créole. Il nous recommande un restaurant rue de Suffren: Indochine. En attendant l'ouverture, nous allons sur le front de mer. Des kitsurfeurs s'envoient en l'air (c'est le cas de le dire) dans le lagon. C'est assez spectaculaire.
Indochine. En arrivant devant le restaurant, je réalise que je connais cet endroit et particulièrement une façade d'immeuble, avec des lattes parallèles horizontales qui masquent la façade. C'est l'immeuble où j'ai travaillé en 1996, à l'APECA (association pour la prévention de l'enfance coupable et abandonnée).
Au coin du boulevard Hubert Delisle il y a toujours la maison "close" le Blue Gin où le directeur de l'époque avait cru "bon" de m'emmener pour parler de ma candidature ! Je n'ai jamais compris pourquoi dans cet endroit ! Peut être cherchait-il à me déstabiliser ?
Bô Bun et Porc sichuan. Nous sympathisons avec Jù la propriétaire d'Indochine. Nous parlons de Max, du bouddhisme et de temples. Jù fréquente le temple Taoiste du boulevard Hubert Delisle.
Nous parlons politique et piston. Selon elle, il est important de connaitre des gens bien placés pour avancer. Ce n'est pas différent de la métropole. On est loin du Noble Sentier Octuple !
L'après-midi nous visitons le Domaine du Café Grillé. Ici encore il a fallu réserver la veille pour une visite à 14h. Nous étions censés avoir un guide passionnant répondant au nom de William, nous avons eu une guide, Jocelyne, "chiante" à mourir, qui débite des informations stéréotypées comme les guides de Pro Vanille ou du Labyrinthe en champ Thé.
La visite commence par une projection sur le café, sans intérêt et pénible à suivre parce que dans la même boutique/cafétaria où des gens et des gosses hurlent.
Il s'agit d'un jardin botanique aménagé par Jean Michel Luspot, ingénieur en électronique. De retour de métropole, il a voulu ouvrir un bar à café avec un jardin où seraient exposées les plantes typiques de la Réunion, avant de se reconvertir dans la plantation de café.
Cette visite donne l'impression que le site a été créé pour attirer des flâneurs dans une boutique, sous couvert de pédagogie. Le parc Astérix aussi a un aspect pédagogique !
C'est un business: tarifs de visites + vente de café pointu et de pâtisseries, dans une immense boutique où l'on trouve les mêmes articles que dans n'importe quel temple de produits dérivés : tee-shirts, casquettes, porte clefs, minéraux, bijoux fantaisie, mugs, ours en peluche, confitures, livres de cuisine, sets de table, huiles essentielles, produits cosmétiques, cartes postales etc...
Hébergement à L'Hôtel Saint Pierre. 51 avenue des Indes (02 62 61 16 11) L'alternance gite/hôtel semble être une bonne formule.
Dîner chez le Gros Louis. Ici aussi il faut réserver, pour manger sur une terrasse attenante à un parking. Les tables intérieures étant toutes déjà réservées. Il faisait frais.
Achards de légumes, bouchons, cari de cabri immangeable tellement la viande est grasse, saucisses rougail, riz et grains, on a déjà eu mieux dans des gargotes moins réputées.
Samedi 27 août 2022 Saint Pierre - Entre deux - Saint Pierre
Petit déjeuner copieux sous forme de buffet varié digne de ce genre d'hôtels.
07h30 Visite de bonne heure du marché forain de Saint Pierre. Impossible d'y aller à pieds de l'hôtel. Il y a environ 20 minutes de marche aller et autant retour. Ayant rendez-vous avec Kakouk à 10h, cela semble compliqué. Même tôt le matin les places pour se garer sont rares.
A lui seul, ce marché donne envie d'habiter la Réunion. Tous ces étalages d'épices, de fruits, de légumes, de produits la cour. Et les prix de ces produits par rapport à ceux de la métropole, quasiment moitié moins cher !
Les fruits et les légumes sont magnifiques, gorgés de soleil. Il y a des confitures, des achards, des miels, des conserves maison. Une odeur de grillade plane sur le marché.
Les épices : curcuma, gingembre, piments, poivre, il y a même de l'arrow-root qui coûte si cher chez nous. Et partout de la vanille qui embaume. Petits producteurs ou revendeurs ? On nous a tellement mis en garde contre les faussaires, les revendeurs de vanille trafiquée et parfois volée que nous n'aurions pas osé en acheter sur le marché. Sauf peut être sur le stand de Louis Leichnig.
Il y a aussi beaucoup d'artisanat malgache et des stands de pacotilles qui vendent un peu n'importe quoi.
Un marchand de jolies sandales pour femme nous a fait croire qu'il les créait lui même et qu'il les faisait fabriquer. De retour en métropole nous découvrons qu'elle sont dessinées et fabriquées en Bretagne(La Marine).
On trouve souvent ces boni-menteurs sur les marchés forains.
Nous nous arrêtons à un stand de tisaneur. Il ressemble étrangement à Franswa Tiber que nous envisagions de rencontrer lorsque nous serions au Guillaume. Il habite Taxi Brousse, à quelques minutes de là. Nous n'avions pas pas remarqué son écriteau sur la façade. Lorsque je lui dis qu'il lui ressemble, il me dit "je suis son frère", alors qu'il est effectivement Franswa Tiber.
Il me demande ce que je lui veux. J'explique que je souhaite le rencontrer pour des conseils. S'en suit un délire suspicieux et paranoïaque où il me prête des intentions que je n'ai pas, à la limite de la muflerie. J'aurai dû laisser tomber et le laisser à son délire. Cherchant une tisane anti-virale, il me prépare des plantes sans explications, un pot avec un fond d'huiles essentielles (lesquelles ?) à mélanger à du miel, de l'ail et du curcuma.
Selon la presse qui a fait un reportage sur lui, c'est un Créole qui vivait en métropole. Il a eu un accident. Pendant son hospitalisation il a eu la "révélation" de revenir sur son île soigner les gens !
Dans notre approche des médecines naturelles, soigner les gens impliquent que l'on commence par les aimer (empathie). Cela ne correspond pas trop à sa personnalité.
Nous quittons le marché pour rejoindre Frantz Ledoyen, alias Kakouk, 7 chemin de l'Argamasse, ravine à Citrons - Entre Deux (06 92 83 81 87) kakouk.ledoyen@gmail.com
Il nous invite à entrer, nous propose un café, puis un rhum. Il partage un peu de son histoire, sa façon de pratiquer, sa relation avec les plantes. Il vit pieds nus.
Nous passons un bon moment à l'écouter. Il est le seul et le dernier tisaneur de forêt. Il est désolé que personne ne veuille se former et prendre la relève. Bien qu'un certain nombre de médecins, de pharmaciens et de paramédicaux l'aient rencontré et se soient intéressés de près à sa pratique. Un de ses neveux s'intéresse de loin à ce qu'il fait.
Kakouk demande ce qui nous amène et prépare des tisanes, en fonction. Ses plantes sont emballées dans des vrais sachets en kraft avec des étiquettes portant le nom des plantes et le mode d'emploi. Ses explications sont claires et simples. Pas de paroles inutiles, pas de bla bla psycho-magique.
Avec l'aide de chercheurs qui se sont occupés de la rédaction, Kakouk a publié un livre qu'il nous dédicace, "Soigner par les Plantes" édition Orphie.
Pendant notre entretien de nombreuses personnes sont venues demander conseils et obtenir des tisanes.
Il est tellement intéressant que nous serions bien restés plus longtemps. Il avait rendez-vous l'après-midi à Nature et Découverte à Saint Pierre pour dédicacer son livre. Belle personne.
En descendant nous nous arrêtons à Entre Deux. Paisible petit village avec quelques kaz créoles, dont certaines semblent à l'abandon. Nous serions prêts à en réhabiliter une à condition qu'elle soit financièrement abordable !
Déjeuner dans le centre artistique Vavang'art, 4 rue Hubert Delisle (06 92 60 99 28) des jus de fruits frais, des thés originaux, des plats créoles mais aussi végétariens à des prix doux. Lasagnes végétariens, assiette végétarienne de crudités. Il y a aussi de bonnes pâtisseries. La salle de restauration est entourée de boutiques d'artisans, d'artistes, d'un ostéopathe et d'une brasserie artisanale qui fait une bière de qualité. Pendant le repas nous assistons à un spectacle de danse contemporaine.
De retour à Saint Pierre, nous visitons le marché couvert, des stands d'artisanat majoritairement malgache pour touristes, sans intérêt, avec des prix plus élevés que sur le marché forain.
Nous visitons le vieux temple Guan Di rue Marius et Avy Leblond. Contrairement aux temples asiatiques qui se remplissent en fin d'après midi, il est vide. Ce petit temple plein de charme, nous rappelle de nombreux petits temples vietnamiens. Il serait appelé à disparaitre, remplacé par le nouveau centre culturel de Terre Sainte.
Nous allons voir la plage de Saint Pierre que nous n'avons pas eu le temps de pratiquer.
Nous n'avons pas pu visiter la mosquée, parce que c'était l'heure de la prière. Il faut y aller le matin. Nous n'avons pas pu visiter le temple hindou, parce qu'il est fermé aux visiteurs en dehors des heures prévues. Les contraintes sont plus rigides qu'en Inde, pas de cuir (ceinture, bracelet de montre, étui d'appareil photo, sac à main etc...) pas de femme ayant ses règles etc...En Inde les temples sont ouverts en permanence, on y accède comme ont veut à condition de se déchausser.
Dîner à l'Indochine. Longue conversation à propos d'un temple bouddhiste de la région parisienne que nous ne connaissons pas : le château de Lugny à Moissy-Cramayel transformé en pagode par l’Association internationale thaïe des bouddhistes en France : la pagode bouddhiste Wat Thammapathip où Jù a fait ériger une statue de Bouddha méditant pour abriter les cendres de son père.
Le soir à l'hôtel nous assistons en direct à la télévision, à l'élection de Miss Réunion qui concourra à l'élection Miss France.
A notre grande stupéfaction, les 12 candidates ne semblent pas représentatives de la beauté des femmes Réunionnaises. Lors de nos différents séjours sur l'île, nous avons rencontré tellement de jolies filles dans les rues que nous nous demandons comment ils s'y sont pris pour aboutir à cet échantillon.
Les candidates sont rondes, empâtées, joufflues, avec de grosses poitrines, des jambes peu galbées, assez pâle de peau, sauf une.
La rue regorge de femmes magnifiques, fines, légères, élancées, typées ! Peut être que nos critères de beauté diffèrent de ceux des Réunionnais ou que comme le dit Jù, "le piston" a dû fonctionner pour certaines d'entre elles. Marion Marimoutou n'est pas un canon !
Dimanche 28 août 2022 Saint Pierre - Cilaos
Route pour le cirque de Cilaos. 400 virages en épingle à cheveux, sur une distance de 45 km. Un véritable entrainement pour les courses de côte, à la différence qu'un certain nombre de malades roulent n'importe comment sans aucun respect des autres automobilistes et des règles de bases du code de la route. C'est dimanche, le peuple est de sortie, nous atteignons Cilaos après 01h45 de sueurs froides.
Le centre ville est barricadé, pour raison de marché forain. C'est noir de monde. Quelques producteurs locaux avec des produits de leur jardin (la cour) : lentilles, fruits légumes, viande, miel, et vins de Cilaos. Beaucoup de stands de n'importe quoi fabriqués en Chine ou à Madagascar, pour les touristes locaux qui sont de sortie. Rien à voir avec le marché forain de Saint Pierre.
Le dimanche il est préférable de réserver, les restaurants sont bondés.
Déjeuner. De nombreux guides recommandent Chez Luçay, il y a trop de monde (comment faire de la bonne cuisine pour 150 personnes ?) C'est trop bruyant. Manger dans une ambiance cantine ne nous intéresse pas.
Nous choisissons le restaurant Chez Noe - 40 Rue du Père Boiteau, 02 62 31 79 93 - au début de la rue principale. C'est calme, bien que complet, on n'est pas les uns sur les autres. Bonne carte créole, prix très abordables. Gratin de chouchou (on adore) gratin de palmiste (on découvre) avec salade de crudités. Le dimanche il est possible de choisir la formule buffet pour 18 euros.
Le meilleur rhum arrangé que nous ayons bu à la Réunion : Fahm, vanille, cannelle. Le secret doit être dans le dosage. Jacky, le propriétaire et sa famille sont très avenants.
Nous faisons le tour du village à pieds. Il n'y a pas grand-chose à voir à Cilaos. C'est essentiellement un lieu de sortie dominicale pour les gens de la côte, et le point de départ de nombreuses randonnées dont certaines sont de véritables exploits sportifs comme l'ascension du Piton des neiges.
Le marché couvert est pitoyable. Une seule allée ouverte, des produits à des prix plus élevés qu'à Saint Pierre. L'archipel des métiers d'arts est tristement vide. Les quelques boutiques artisanales ouvertes : bijoux, produits cosmétiques prétendus naturels, sont chères et sans originalité.
Le cirque se couvre, il pleut.
Hébergement à l'Hôtel du Vieux Cep 44 rue Saint Louis - 02 62 31 71 89
Lundi 29 août 2022 Cilaos
Que faire à Cilaos quand on n'est pas fanatique de randonnée ?
Nous nous rendons à l'office du tourisme pour être conseillés.
-la mare à Joncs: une mare à canard, où les locaux viennent faire du pédalo le dimanche ! Bof !
-la roche merveilleuse et son point de vue sur le cirque, ça occupe...
-une petite randonnée facile aux trois bassins, histoire de meubler une après-midi.
- la maison de la broderie où les brodeuses ne sont pas souvent présentes et quand elles le sont, elles ne sont pas particulièrement avenantes avec les touristes, dixit l'office du tourisme qui conseille plutôt de rencontrer une brodeuse chez elle. On nous donne l'adresse.
-Nous avions connaissance d'une famille de tisaneurs qui fait visiter son jardin de plantes à l'Ilot Chicot : Pascal et Yvette Hoareau 06 92 72 27 17. Ils ont créé une association pour la défense du patrimoine végétal de Cilaos. J'appelle pour prendre rendez-vous. Ils n'ont pas le temps.
-Nous nous mettons en route :
La Roche merveilleuse où selon la légende les femmes ayant des problèmes de fertilité venaient frotter leur ventre sur la roche pour devenir fécondes...François Folio aurait ajouté qu'on n'a jamais su qui se cachait derrière le rocher !
Très beau point de vue sur Cilaos et ses remparts naturels. Il faut attendre une éclaircie pour que la photo devienne intéressante, sinon, tout se confond et disparait dans l'ombre des nuages.
Colette, meilleure ouvrière de France, était une des brodeuses de la maison de la broderie depuis de nombreuses années. Suite à un différent avec la mairie elle a été "remerciée".
Elle s'est installée chez elle, où elle a créé un atelier et une salle où elle expose ses réalisations. Elle organise des stages de formation à la broderie.
Pendant qu'elle brode, Colette raconte comment est arrivée la broderie à Cilaos : fin du XIXème siècle, un médecin Breton marié à une Réunionnaise a une fille, Angèle Mac-Auliffe.
Comme toutes les filles de "bonne famille" elle apprend à broder pour réaliser son trousseau (notamment à travers des livres et des revues).
Son père est nommé médecin aux termes de Cilaos. Devenue experte en broderie, Angèle invente le Jour de Cilaos et apprend la broderie aux filles avec lesquelles elle crée un atelier. Elle décède jeune. Son atelier mondialement connu est repris par des religieuses qui perpétueront la broderie de Cilaos. Comme son nom l'indique cette broderie se caractérise par la création de jours entre les zones brodées, ce qui nécessite l'utilisation d'un tambour pour tendre la toile et faire les découpes.
Colette partage des moments de vie. Petite fille (6 ans) de milieu modeste, elle assiste au rassemblement des brodeuses sous un arbre, un manguier, et les regarde faire. Vers 10 ans elle poursuit une broderie que sa mère est en train de réaliser, en son absence. A son retour la mère prend cela comme un présage surnaturel, jusqu'à ce qu'elle découvre que c'est sa fille qui est l'auteure. Voyant à quel point elle est douée, Colette est "condamnée" à faire de la broderie en plus du travail domestique imposé aux filles dans ce milieu, au détriment de sa vie d'enfant. A 54 ans, Colette a passé 44 ans au service de la broderie.
Aujourd'hui elle est inquiète :
la maison DMC qui fournissait le précieux matériel et le fil est fermée, l'artisan réunionnais qui fabriquait des tambours particuliers en bois de fleurs jaunes est décédé, le commerçant qui fournissait la toile de lin de bonne qualité a cessé.
-Surtout il n'y a pas de relève. Les jeunes ne sont pas intéressées par la broderie, même dans sa famille.
Avec les dernières brodeuses de Cilaos, c'est encore un savoir faire qui va disparaitre.
Déjeuner au Petit randonneur 61 bis rue du Père Boiteau - 02 62 31 79 55.
Super petit restaurant, avec une super équipe. Prix très doux pour une cuisine simple de qualité.
Assiette créole: bouchons, samosas, salade, charcuterie pei, gratin de chouchou (je suis en addiction) steak de boeuf à la chinoise. Café gourmand: café, crème brulée, glace vanille, étoile au chocolat, gâteau au gingembre.
Nous prenons la route de l'îlet à Cordes pour rejoindre le point de départ d'une balade vers les 3 bassins.
Sur cette route nous découvrons des champs de lentilles à flancs de montagne, presque à la verticale. Nous nous demandons comment les agriculteurs font pour planter et récolter les lentilles dans cette verticalité. Nous poursuivons la route pour tenter d'en rencontrer et découvrons l'îlet à Cordes. Le temps est couvert, un petit crachin s'impose. Des hommes se dépêchent de recouvrir les lentilles en train de sécher avec des bâches. Nous tentons un échange. Ils rient, se moucatent de nous.
Dans un autre champ nous apercevons une famille en train de préparer des bottes d'ail. Nous approchons et entamons un échange. Cette fois c'est avec plaisir qu'ils répondent.
Richard, son frère Jean Jacques, sa soeur Clarisse et sa fille Leïla nous accueillent avec le sourire. C'est une famille de petits paysans qui vit de leurs cultures : ail, lentilles, pistache(cacahuètes), haricots, tomates, qu'ils cultivent ensemble. Ils descendent leur production chez un grossiste à Saint Pierre et se partagent les bénéfices, qui ne doivent pas être très importants.
Mais comme dit Clarisse "on est bien avec ce que l'on a, une fois que l'on a à manger et un toit sur la tête". Effectivement ils ont l'air d'être heureux, en paix. Et pourtant Richard est affecté d'avoir récemment perdu son fis dans un accident de moto sur cette fameuse route de Cilaos.
Pour ce qui est des champs de lentilles à la verticale, ce serait une question d'habitude. Ils arpentent le terrain, en équilibre sur le bout des pieds,(j'imagine les crampes dans les mollets) avec un sac accroché au dos dans lequel ils jettent les touffes de lentilles au fur et à mesure qu'ils les arrachent. Heureusement ils ont aussi des terres qui sont plus horizontales. Quelques-unes sont leur propriété. D'autres appartiennent à un propriétaire qu'ils paient en donnant une partie de la récolte.
Ils aimeraient avoir un peu plus de terre à cultiver, mais regrettent que de nombreux propriétaires préfèrent garder leurs terres en friche plutôt que de les louer à des paysans. Egocentrisme, jalousie, méfiance, difficile de savoir pourquoi !
Tous regrettent qu'il n'y aie plus la solidarité lontan. Ils regrettent l'époque où ils se rassemblaient pour s'entr'aider dans les récoltes et le battage des lentilles. Aujourd'hui c'est chacun pour soi, au point qu'ils ont dû acheter et faire venir une machine coûteuse de métropole pour battre leurs grains.
Investir ou s'agrandir leur fait peur parce qu'il n'y a plus de main d'oeuvre. Les jeunes ne veulent plus travailler dans l'agriculture. Toujours le même constat, pas de main d'oeuvre, pas de relève !
Ils nous demandent comment cela se passe en métropole. Ce n'est pas très différent. Ils nous demandent ce que nous faisons dans la vie. Nous partageons à notre tour. La pluie mettra fin à l'heure et demie que nous avons passé ensemble. Nous nous quittons avec un kilo d'ail dans la main comme si nous étions du même village : la terre.
La randonnée aux trois bassins attendra.
Petit arrêt à la crêperie bretonne pour un chocolat chaud et une crêpe sucrée, histoire de se réchauffer. Retour l'hôtel pour se mettre au chaud.
Dîner L'instant Plaisir petite crêperie Bretonne 28 rue du Père Boiteau - 06 92 45 71 99 - Le soir il est important de réserver, car de nombreux randonneurs sont redescendus et envahissent les lieux. Excellent cidre fruité Kerné et copieuses crêpes salées : la Végétarienne et la Grand Bénare sont particulièrement bonnes. Ils font venir le cidre de Bretagne par conteneurs, ce qui demande de prévoir les approvisionnements longtemps à l'avance.
Mardi 30 août 2022 Cilaos - L'Etang Salé - Saint Leu - les Salines - Stella Matutina - le Guillaume
Les 400 virages de la route de Cilaos en sens inverse sous le soleil, avec la foule du Dimanche en moins. C'est cool !
Au gouffre de l'Etang salé, nous rencontrons Caroline, pour faire connaissance et le point.
le gouffre de l'étang salé: si le gouffre n'est pas impressionnant en lui-même, par contre les vagues qui déferlent dans le gouffre sont effrayantes. Même par beau temps, on réalise la puissance qu'il y a dans cet océan qui a l'air si calme au loin. L'air tremble à chaque vague. Tomber dans le gouffre ne laisse aucune chance de survie. Cela a-t-il un rapport avec les crucifix et les gerbes implantés à cet endroit ?
le souffleur de Saint Leu qui a défaut de baleine, crache son souffle à une dizaine de mètres de hauteur. Je crois me rappeler qu'il y a 20 ans il était au bord de la route. Il n'a pas avancé, mais l'endroit semble avoir été aménagé.
Les marais salants des Salines. Difficile de penser qu'ils approvisionnent les besoins de l'île en sel tellement l'exploitation est petite !
Stella Matutina, musée dédié à la canne, son histoire, sa culture, sa transformation. C'est un musée comme tous les musées, pédagogique : des objets, des outils, des machines, des vitrines, des tableaux, des photos, des étiquettes, une boutique. Des vieilles machines à l'arrêt, des vieux camions, ne suffisent pas à faire oublier que c'est l'esclavage qui a contribué à faire la fortune des gros blancs de l'île. Le sucre c'est d'abord grâce aux esclaves que cela a été possible avant la mécanisation.
Les initiateurs du musée se sont fait plaisir avec une galerie de portraits d'employés immortalisés par Yann Arthus Bertrand qui tend à faire croire que c'était une grande famille ! Les photos sont magnifiques.
Une prochaine fois nous visiterons une des dernières usines sucrières de l'île : celle de Bois Rouge à Saint André ou celle du Gol à Saint Louis. Certainement plus "parlantes".
Nous avons retenu de cette visite que comme pour le sucre de betterave que nous jugeons nocif pour la santé du fait de son traitement, le sucre de canne industriel que l'on croyait naturel, fait aussi l'objet de manipulations chimiques, notamment avec de la chaux (lait de chaux). Le sucre de canne industriel sort définitivement de notre vie. Nous nous contenterons de sucres artisanaux dont nous connaissons l'origine et le procédé de fabrication.
Arrivée tardive au gîte Citron Galet à la demande des propriétaires. 680 rue Bernardin 97423 Le Guillaume; Bernard et Régine Moutan Virin 0693044921 / 0692674429 lecitrongalet@gmail.com
Le gîte est assez isolé, au bout d'une piste de terre défoncée (ornières). Il n'y a pas de restaurant proche, il faut descendre sur la côte ou aller à Saint Paul.
Pour palier à cela Caroline a prévu la demi-pension en table d'hôte pour la première nuit.
Nous sommes accueillis par Bernard. Nous avions déjà rencontré Régine à Stella Matutina où elle travaillait avant de changer d'employeur.
Régine étant à une cérémonie au temple, c'est Bernard qui nous accompagne pour le dîner. Nous n'avons jamais autant appris sur la pratique religieuse hindoue que ce soir-là, même en Inde, même chez des brahmanes !
Mercredi 31 août 2022 le Guillaume - Piton Maido - Musée Villèle - le Guillaume
Petit déjeuner en solitaire : ananas frais, jus de fruit en brick, viennoiseries, fromage synthétique (genre vache qui rie) margarine St Hubert, compotes bio Leclerc, yaourt du même supermarché, confitures de l'entreprise du cousin. Reste à faire chauffer le café qui est prêt et l'eau pour le thé.
Nous allons au Maïdo, pour la vue sur le cirque de Mafate. La route est très belle. Arrivés en haut, le décor est majestueux. Mais une fois encore tout dépend de la météo et de la lumière. Voile de brume, nuages concourent à bleuir les images. Il faut attendre une éclaircie qui n'est jamais complète pour avoir une vue satisfaisante du cirque, avec de jolis contrastes.
De temps en temps un rayon de soleil passe à travers les nuages et éclaire, tel un spot, une partie du décor.
Des questions nous envahissent : que font toutes ces familles qui vivent au fond de ce cirque ? Quel genre de vie peut on mener dans ce décor abrupt, sauvage, austère ? Pourquoi s'isoler à ce point dans un endroit qui n'est ravitaillé que par des hélicoptères ? Combien coûte ce choix de vie aux habitants : transport des matériaux de construction et fournitures diverses, transport de matériel agricole et domestique (machine à laver, frigidaire, produits de première nécessité etc...) ? Combien coûte ce choix de vie à la collectivité (impôts) ? Plein de questions sans réponses.
Si on peut comprendre qu'autrefois il s'agissait essentiellement de yabs qui fuyaient les gros blancs, et des "nègres marrons" qui voulaient échapper à l'esclavage, aujourd'hui ils ne sont plus nègres et encore moins marrons. Les yabs ont-ils décidé de vivre en dehors d'une société qui les a autrefois bannis ?
Ayant des connaissances de base sur tout ce qui est plantes et traitements naturels, nous nous arrêtons à la Maison du Géranium, fermée. Nous continuons jusqu'à la Distillerie du Maïdo. Une petite boutique d'huiles essentielles, distillées sur place, selon le propriétaire qui se dit aromathérapeute certifié.
Nous découvrons une huile essentielle et deux hydrolats que nous ne connaissons pas en métropole : l'huile essentielle de Cryptomeria, variété de sapin qui pousse dans les hauts, et les hydrolats de Combava et de Fleurs jaunes.
"L'originalité" de ce thérapeute est de convaincre le client que s'il achète un produit, il ne peut être efficace que si on ajoute un produit complémentaire. Par exemple si pour traiter une douleur ligamentaire on achète l'huile essentielle de Cryptomeria (12€) elle ne pourra être efficace que si on achète le complément qu'il a créé qui s'appelle Dolorless (48€) qui n'est que de l'hydrolat de Cryptomeria.(normalement un hydrolat n'est pas huileux !) De cette façon, pour chaque affection il empoche au moins 50 euros. C'est lucratif, mais pas très correct pour un thérapeute.
Déjeuner Chez Doudou c'est sa fille Anaïs qui a pris le relai, avec sa sympathique serveuse Britney.
Joli petit restaurant créole avec un menu original appelé Kas pas la tet' à 25 € : plateau peï traditionnel, buffet chaud (cari de morue ou rougail de porc boucanné, ou poulet coco) dessert au choix + tisane ou café et rhum arrangé.
Pendant le repas arrive Laurent Ournac et son staff, probablement en repérage ou en tournage dans le coin. Egal à lui-même, dans la vie comme à l'écran, de même que son équipe. Quel égo, Tom Delorme !
Je crevais d'envie de jouer les Christian Parizot pour leur demander de descendre un peu de leur piedestal.
Ayant des amis qui distillent les plantes en métropole, nous connaissons le principe, mais un peu plus bas, nous voulions photographier un alambic apparemment en marche à l'extérieur, au milieu d'une plantation (distillerie Begue). "C'est 2€ la photo", nous dit-on. Peut être que l'alambic ne fumait que pour arrêter les touristes ! Il n'y a pas de petits profits !
Heureusement que nous sommes allés à Maïdo le matin, le ciel s'est couvert. Il y a de forte chance pour que Mafate ait disparu dans les nuages qui se faufilaient entre le Piton des neiges et la Roche écrite.
Direction le musée de Villèle : nous avions oublié de réserver la visite de 15h30...Heureusement il reste des places disponibles.
Enfin un lieu dédié à la part sombre de l'histoire de la Réunion. Bien que l'on fasse souvent l'apologie des familles dites" créoles" qui ont fait la prospérité de l'île du 18ème au 19ème siècle, ce temple de la prospérité relate surtout l'histoire de Madame Desbassayns (1755-1846) qui a administré avec fermeté, pour ne pas dire sadisme, ce domaine caractéristique de l’économie de plantation réunionnaise, à l'époque de l'esclavage. Elle possédait jusqu'à 400 esclaves, jusqu'en 1848 (abolition de l'esclavage) remplacés par des engagés, doux euphémisme, pour évoquer des gens qui venaient d'Inde ou d'Afrique de "plein gré" pour vivre à peu près dans les mêmes conditions.
L'hôpital des esclaves du domaine permet, à travers différentes affiches, de découvrir les conditions de vie des esclaves.
Madame Desbassayns les avait répertoriés comme des "biens" lui appartenant.
Nous découvrons que c'était le maître qui décidait s'ils peuvaient se marier et avec qui, que c'était le maitre qui leur donnait un nom et un prénom. Ce qui veut dire que leurs descendants portent aujourd'hui un nom choisi et imposé par un aristocrate de l'époque !
Nous découvrons le régime des sanctions qui allait de la simple punition à la peine de mort, en passant par le fouet, les fers, les privations etc... Une employée de maison qui cassait une tasse pouvait se voir obligée de quitter sa tenue d'employée pour rejoindre les captifs qui travaillaient la terre.
Cela donne une idée de la façon dont les autres planteurs "prospères" traitaient leurs esclaves. Ce sont des choses que nous savions, par nos lectures, nos recherches, nos voyages sur les traces de la traite négrière de Gorée à Cuba. Mais se l'entendre dire à l'endroit où cela a eu lieu est toujours troublant.
Ce qui surprend est qu'à la Réunion, cela ne ressort jamais dans les échanges avec les gens, alors que dans les Caraïbes (sauf à Cuba), c'est omniprésent. Même en métropole, c'est très à la mode est de nous reprocher d'être des "blancs" au passé esclavagiste et colonial.
Retour au gîte. Nous prenons un repas lyophilisé, prévu pour ce genre de situation, dans la chambre. Pas de contact avec les propriétaires aujourd'hui.
Jeudi 01 septembre 2022 Guillaume - Saint Gilles - Guillaume
Après un petit déjeuner en solitaire, fin de séjour un peu décevante à cause de la météo. Nous avions prévu de faire une sortie en mer pour observer les baleines. Annulée à cause de la météo. Pas de chance.
Nous avions prévu d'aller à l'Ermitage les bains pour profiter de la plage et faire un peu de snorkeling dans le lagon. Annulé à cause de la pluie et des rouleaux qui troublent l'eau du lagon. Pas de chance.
Bernard propose de nous faire visiter sa ferme et ses champs. Il pleut. N'ayant pas prévu de bottes, nous pataugeons dans la boue.
Poules, canards, chèvres, vaches, poney pataugent également. Il les élève pour sa famille, mais aussi pour donner et vendre. Il nous avait dit être végétarien, nous découvrons qu'il mange de la viande. Le végétarisme c'est uniquement lors de fêtes religieuses, pour se purifier ! Les Indiens et les Sri Lankais que nous connaissons sont végétariens tous les jours, toute leur vie.
Il nous fait découvrir les différentes essences d'arbres qui agrémentent son environnement : quatre épices, margousier, cannelle, tulsi, cette fois dans une version différente: leur utilisation dans les rituels hindous.
Nous découvrons son champ de canne avec - Jean Marie - son collaborateur(c'est le mot qu'on emploie aujourd'hui!) qui coupe à la main des tonnes de cannes à sucre.
Nous descendons sur Saint Gilles, histoire de bouger un peu. Nous allons chez Loulou, 86 avenue du Général de Gaulle pour déguster quelques samosas. Si la boutique est toujours la même bien qu'elle aie brûlé (1997), les samosas ont bien rétrécis. Ils sont beaucoup plus petits, moins garnis et donc moins goûteux qu'il y a 20 ans. Les samosas de Loulou ce n'est plus ça. Mais qui le saura ? Boutique branchée, tout le monde s'y presse parce que c'est the place to be.
Déjeuner Chez Marie - Local 28 - port de plaisance - 02 62 24 08 87. Une sympathique petite adresse un peu éloignée de l'excitation du centre de Saint Gilles. Excellentes assiettes de poissons crus: Salade marine avec thon et marlin, crudités, tartare de thon avec haricots verts, citrouille, chouchou, sauce combava. C'est frais, c'est bon et c'est très abordable.
Préparatifs pour le départ : station-service pour faire le plein et laver la voiture. Le loueur prend 60 euros si elle n'est pas propre alors qu'un nettoyage complet avec cire coute 12 euros à la station.
Au gîte nous empruntons un aspirateur pour faire l'intérieur et une éponge pour les bas de portières et le coffre.
Faire les valises avec tout ce que nous voulons rapporter devient compliqué, mais ça tient.
Nous avions demandé un dîner en table d'hôte pour prendre le temps de dire au revoir. Bernard est à une réunion syndicale. C'est Régine qui s'y colle.
Ti' malaise au moment de payer, je m'étais basé sur le tarif affiché dans la salle à manger: 25 euros par personne pour un repas, apparemment le tarif n'est pas à jour ! C'est toujours délicat ce genre de situation !
Vendredi 02 septembre 2022 le Guillaume - Aéroport
Petit déjeuner sur le pouce. Départ à 05h45 : 45km de route avec bouchons. Il faut rendre la voiture, faire les formalités de retour et enregistrer le vol avant 08h00. L'angoisse de ne pas arriver à temps...
Nous atteignons l'aéroport à 07h30.
Nouvelle galère chez Hertz. Voir commentaires.
Nous allons enregistrer nos bagages, récupérer les cartes d'embarquement avant de revenir vers la voiture afin de la prendre en photo.
Départ à 10h00 dans un Boeing 777 bondé pour un vol de jour. Arrivée à Roissy à 19h30.