1. 7.Mon approche du génocide et de notre tendance à la violence en général :


Ce document relève d'une recherche que j'ai poursuivie à l'université suite à des questions que je me pose depuis longtemps sur la non-violence et la valeur de la vie, auxquelles les réponses "toutes faites" ne me satisfont pas.


Si le génocide est le résultat de l'émergence d'un certain nombre de facteurs, dans un certain nombre de circonstances, et si la soumission à l'autorité est un des facteurs de l'adhésion de masse à des processus de massacres, nous n'en devons pas moins mésestimer d'autres facteurs qui préparent la situation de génocide en particulier et de la violence collective en général : l'ethnocentrisme et l'égocentrisme, la xénophobie, la peur de la différence, le sentiment de supériorité (hypertrophie de l'égo), la rivalité, le manque de connaissance et d'estime de soi, une tendance à la pensée unique, sont à mon avis, autant de "maladies de l'âme" dont nous sommes "porteurs sains", jusqu'à ce qu'une situation les transforme en épidémie.


S'il est important de définir ce qu'on entend par génocide afin de prévenir, empêcher, juger et sanctionner cette tendance à éliminer l'autre, je ne comprends pas ce qui permet de hiérarchiser les formes de tueries que sont génocides, massacres, crimes contre l'humanité. Je ne comprends pas non plus pourquoi sont retenus en priorité les actes utilisant des armes, alors que certaines conduites, certaines stratégies peuvent aboutir au même nombre de morts que les armes conventionnelles.


Indépendamment des querelles d'experts, qui, bien souvent en fonction de leurs appartenances ou de leurs origines proposent une version personnelle du génocide, j'ai décidé de m'en référer à la définition adoptée par l'ONU, lors de son assemblée générale du 09 décembre 1948 :


Le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
Meurtre de membres du groupe 
Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe 
Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle 
Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe 
Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe.  

Cette définition a été reprise en intégralité dans l'acte fondateur de la Cour Pénale Internationale, le 17 juillet 1998, qui insiste sur l'intention d'extermination totale ou partielle d'une population, et la mise en oeuvre de cette volonté.


Si j'applique cette définition à la lettre en prenant quelques exemples parmi d'autres :


Abubakar Shekau et son mouvement Boko Haram, l'E.I. irako-syrien(Daech), Al Quaïda qui appliquent la charia islamique à des peuples en éliminant tous ceux qui ne sont pas musulmans (intention de détruire tout ou partie), qui commettent des attentats, des enlèvements, des massacres (meurtres de membre du groupe, atteintes graves à l'intégrité physique et mentale du groupe, soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle)  le massacre de collégiens chrétiens et l'enlèvements de lycéennes pour les vendre en esclavage ou les marier de forces à des musulmans (transferts forcés d'enfants du groupe à un autre groupe). On peut invoquer une intention d'extermination totale ou partielle, et de volonté d'y parvenir.

L'Inde pratique le féminicide depuis un certain nombre d'années au prétexte que les filles ne valent pas grand chose et qu'elles coûtent cher à marier. Cela se passe soit dès que la mère sait qu'elle est enceinte d'une fille (pour celles qui ont accès à l'échographie) soit dès la naissance pour les autres. Souvent sous la pression du mari et de la belle famille. De nombreuses mères disant qu'elles n'ont pas le choix, qu'elles risquent des représailles si elles n'obéissent pas (mesure visant à entraver les naissances au sein du groupe - meurtre de membres du groupe - Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ) Trois critères de la définition de génocide sont déjà réunis, sans que cela pose de problème à qui que ce soit. Un rapport présenté au parlement indien fin 2018 fait ressortir que l'Inde est déjà déficitaire de 63 millions de femmes. Cela ne l'empêche pas de continuer. Il n'y a pas qu'Hitler qui extermine des êtres humains pour leurs origines.


Pourquoi est-ce si difficile de reconnaitre qu'il s'agit d'un génocide, selon la définition .

Pourquoi est ce compliqué d'appeler un chat un chat ?


Si je reprends cette définition et que je l'applique à tout le mouvement islamique radical qui tend à coloniser par la violence une partie de l'Afrique Noire et du moyen orient aujourd'hui, si je l'applique aux féminicides massifs pratiqués en Inde, ne sommes nous pas en train d'assister à un génocide à grande échelle ?


A partir du moment où l'on a défini un concept et que l'on a des difficultés à l'appliquer en dehors du génocide de référence qui était le génocide des Juifs d'Europe, j'en suis arrivé à me poser de nombreuses questions :


  1. Pendant que l'on "réfléchit" pour savoir s'il s'agit d'un génocide ou d'une épuration ethnique, d'un crime contre l'humanité ou d'un crime de guerre, des millions de personnes dans le monde sont exterminées, déportées, violées, soumises à des conditions d'existences intolérables, souffrants d'atteintes graves à leur intégrité physique et mentale.

En dehors d'en débattre dans les sphères politiques ou sur les plateaux de télévision, que fait-on concrètement pour arrêter cette hémorragie humaine ? Il  y a eu Aushwitz, mais il y a aussi eu le Biafra, le Rwanda, le Cambodge, il y a le Darfour, le Nigeria, la Somalie, le Soudan, la Syrie, l'Inde et la Chine.


  1. Qu'est ce qui permet de dire qu'un génocide est plus grave qu'un massacre ? A partir de combien de morts doit on prendre les choses au sérieux, ré-agir, intervenir, sanctionner ? Qui sanctionne et comment ?


  1. Derrière toutes ces formes d'élimination, n'y-t il-pas le pouvoir de vie et de mort que s'accordent un ou des hommes au nom d'une différence: autre ethnie, autre religion, autre sexe, autre âge, autre condition, autre milieu social ?


  1. En hiérarchisant ce pouvoir de vie et de mort, n'y a-t il-pas un risque de privilégier/ sacraliser certaines formes d'homicides et d'en banaliser d'autres ? A quel titre ?

Ne risquons nous pas de donner plus de valeur à certaines vies qu'à d'autres, au risque de plagier ceux qui s'octroient le pouvoir de vie et de mort sur leurs congénères ?


  1.   Ce questionnement renvoie aux mêmes difficultés rencontrées autour du concept de racisme:


Le concept de race n'est plus aujourd'hui utilisé que pour les animaux à des fins d'élevage et de reproduction. C'est ainsi que l'on parle de races bovine, canine, caprine. Ce terme a une connotation davantage commerciale que scientifique: un animal "de race" ayant plus de valeur qu'un animal non typé, en mettant en avant les qualités d'un sous-groupe : bœuf charolais, poule leghorn, cheval percheron, chat persan, chien dalmatien, race laitière, race à viande etc...


Le concept de race pour les humains est devenu obsolète : employé à partir de la fin du 18ème siècle pour distinguer des groupes humains selon des critères arbitraires dénués de fondements scientifiques comme la religion, la nationalité, la couleur de la peau, l'origine géographique. Il n'est plus utilisé que par les mouvements idéologiques racistes et anti-racistes.


La majorité des études scientifiques du 20ème siècle portant sur la génétique montrent que le concept de race n'est pas pertinent pour caractériser les différents groupes de l'espèce humaine. Les variations entre les individus d'un même groupe étant souvent plus importantes qu'entre individus de groupes différents.

Aujourd'hui la communauté scientifique rejette les arguments biologiques pour légitimer la notion de race chez l'homme.

Cette notion ne serait plus qu'une représentation arbitraire basée sur des critères morphologiques (dont la couleur de peau), ethniques, culturels, religieux, politiques, propre à certains mouvements idéologiques et à leurs détracteurs.


  1. J'observe qu'au delà de concepts sur lesquels nous avons des difficultés à nous accorder il y a certains facteurs qui nous concernent tous, pour lesquels, en dehors de l'expérience de Milgram, peu d'études sont menées en vue d'applications concrètes. La violence latente qui sous tend chacun de nos actes, dès lors que nous sommes en face de l'autre ou d'une différence. (tout ce qui ne nous ressemble pas).


  1. J'observe également que certaines interrogations dérangent, qu'il y a des choses qu'il faut dire et d'autres qu'il faut taire, au risque d'être classé dans les "extrêmes" si on s'éloigne de la pensée unique. Vivant en démocratie, je me demande pourquoi ?


Ce n'est pas une raison pour se taire et abandonner, c'est ce que je tente de faire ici, à mon niveau, ne fut-ce que par nécessité d'être vigilant, et de consolider un mécanisme immunitaire, une prévention active contre toute forme de violence et d'homicide, quoi qu'on nous dise.

   

                                                                           

Une légende raconte que lors d'un immense incendie de forêt, alors que tous les animaux étaient atterrés, effrayés, envahis d'un sentiment d'impuissance, un petit colibris s'activait, allant chercher quelques gouttes d'eau avec son bec effilé pour les jeter sur le feu. Au bout d'un moment, agacé par cette agitation, un tatou lui dit " Colibri, tu n'es pas fou ? Tu ne crois pas que c'est avec ces gouttes d'eau que tu vas éteindre le feu ?"
Et le colibri de répondre : "je le sais, mais j'ai fait ma part".


Puissions nous faire en sorte que cela ne reste pas une légende.